La réception des
oeuvres cinématographiques
Qu’est-ce que
le goût cinématographique?
Extraits du
livre: “Sociologie du cinéma et de ses publics” de Emmanuel Ethis. Série
Domaines et Approches. Armand Colin. Paris. 2005. Résumé
par Francisco Huertas Hernández. 2014
Si, a la sortie
d’une séance de cinéma, notre premier élan intérieur nous incline à aimer ou
à detester un film, il n’est pas rare que cet élan soit revu et corrigé
par le poids non négligeable d’une “instance sociale” extérieure et normative que l’on rapporte
généralment au “bon goût”.
“Tout le monde -explique Laurent
Jullier- a fait cette expérience de l’opinion que
finalement on n’exprime pas parce qu’à cette soirée tous les convives
sont symphatiques et que, ma foi, s’ils ont tous aimé ce film que l’on tient
pour un affligeant pensum, tant mieux, on n’a pas envie ce soir-là de
s’exclure, parlons d’autre chose...” (Jullier:
2004, p. 197). De même, lorsqu’il endosse son rôle de critique de cinéma,
Godard précise qu’
“il est difficile de prendre un café avec quelqu’un si, dans l’après-midi,
on doit écrire qu’il a fait un film idiot” (Bergala: 1985, p. 216). Comme dans la plupart
des champs artistiques et culturels, le champ de la critique cinématographique participe de “l’idéologie du goût naturel” telle
qu’elle a notamment été define par Pierre
Bourdieu dans son célèbre ouvrage “La Distinction”. Cette idéologie consiste pour le
“soi-disant” connaisseur à présenter les manières qu’il a de se distinguer
d’autrui sous la forme de l’évidence logique du bon sens. Elle est
corrélative de la certitude qu’il a de “détenir la légimité culturelle et l’aisance, à
laquelle on identifie l’excellence”
(...)
L’apprentissage et l’expertise cinématographiques, majoritairement construits hors de l’univers de la transmission scolaire,
s’élaborent donc dans la consommation même des films de cinéma d’où émergent selon Laurent Jullier des critères propres à déterminer
et à caractériser nos choix
artistiques. Même s’il peut paraître “lourd
aus yeux des tenants de l’idéologie du goût naturel, et parfaitement vain à ceux des hypersubjectivistes” (Jullier: 2004, p. 15), son
essai “Qu’est-ce
qu’un bon film?” Propose une approche sociologique convaincante pour repérer quelques-uns des rails sur
lesquels on engage le jugement qui nous permet de distinguer un “bon” d’un “mauvais” film (...)
À cette fin, l’analyse de Laurent Jullier présente donc six critères susceptibles d’armer l’évaluation
d’un bon film:
- Son succès
- Sa qualité tecnique
- Son originalité
- Sa cohérence
- Son édification
- Son émotion
Deux de ces critères
sont des critères ordinaires,
c’est-à dire qu’ils sont utilisés dans le cadre de notre exercice “sauvage”
de la critique:
- Un bon film est un film de succès. Bouche-à-oreille, campagne publicitaire, conseils de la caissière du cinéma, la démarche qui nous conduit devant l’écran de cinéma repose souvent sur l’attribution d’une valeur a priori pour les films qui semblent offrir la promesse d’une soirée réussie. “Le succès de curiosité, la volonté de coopérer à la cohesión sociale en voyant ce que tout le monde voit sont en réalité des opérations inherentes à la vie grégaire” (Jullier: 2004, p. 65)
- Un
bon film est un film techniquement réussi. Prouesses tehniques et bonnes conditions
de tournage sont synonymes d’un travail qui se voit et à partir duquel
chaque spectateur tente d’apprécier la justesse d’ue réalisation.
Deux autres critères
sont des critères que Laurent Jullier qualifie de
“distingués” parce qu’ils sont
principalment utilisés par les grands experts
ou les critiques professionnels:
- Un
bon film est un film original. Il s’agit moins d’un film “qui invente des formes
audiovisuelles que celui qui recycle d’une façon neuve, ou qui
réussit à faire accepter par une large public une figure venue de cousins
du cinéma narratif ou réservée jusque-là à des objets d’avant-garde” (Jullier: 2000, p. 15)
- Un bon film est un film cohérent. “La cohésion est la capacité de l’oeuvre de lier ses caractéristiques formelles aux exigences de ce qu’elle dit” (...)
Les deux derniers critères sont communs à tous les utilisateurs:
- Un bon film est un film édifiant. Un bon film fait la leçon, quelle que soit cette leçon (...) de conduite, leçon des choses, leçon sur la “verité du geste”
- Un bon film est un film émouvant. Le goût du cinéma a beaucoup à voir avec le plaisir que l’on y prend et l’émotion -rires, peurs ou larmes- qu’il suscite. Le corps du spectateur en est le meilleur instrument de mesure.
Ces six critères,
précise Laurent Jullier,
sont souvent indissociables les
uns des autres si l’on est désireux de comprendre le destin que rencontre un
film à sa sortie. Sociologiquement, ils sont intimement attachés à la définition d’une norme
d’époque
“Sociologie du cinéma et de ses publics” de Emmanuel Ethis. Série Domaines
et Approches. Armand Colin. Paris. 2005.
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